La crise de la démocratie est aussi une crise de l’expression

« Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément. »

La crise démocratique, que nous connaissons aujourd’hui, est aussi une crise de l’expression.

En un sens, le verbe se fait cher.

Le constat est le suivant : les campagnes électorales de ces dernières semaines ont déboussolé les Français.

L’offre politique est éclatée façon puzzle. Il n’y a plus de repères, plus de valeurs, plus de convictions.

Il ne reste plus que de la tactique.

La politique nous livre là un bien triste spectacle. Et celui-ci est parti pour durer.

Or, chacun d’entre nous, par nature, est défini par un logiciel de pensée politique dont le curseur penche plutôt à droite, avec une valeur phare, la liberté, ou plutôt à gauche, avec une valeur phare, l’égalité.

Ce curseur déraille aujourd’hui parce qu’on ne peut plus le positionner en face d’un parti politique censé incarné notre gène politique.

Les raisons de ce grand bug de la pensée politique sont multiples : vitesse de circulation de l’information ; société du zapping ; overdose informationnelle… Mais une des grandes causes est, à mon avis, l’introduction dans notre pensée du « en même temps ». Vouloir effacer les clivages n’est qu’un leurre. On ne dissout pas ce qui fait l’ADN de tout être humain, dont son raisonnement politique.

Cette déconstruction du schéma habituel de pensée porte une conséquence immédiate : nous ne savons plus construire une parole réfléchie, c’est-à-dire une parole qui s’inscrit dans le temps long, qui essaye de se placer au-dessus de la mêlée, et qui serait aussi porteuse d’espérance.

Cette ère politique a signé la fin de la clarté dans les propos tenus par nos élus, dans une grande majorité. Les idées s’effacent et le verbe se meurt.

Mais cet épisode peut aussi provoquer un sursaut et un réveil de notre expression.

Cela nécessite de revoir de fond en comble l’écriture politique, son récit, la portée des mots qu’on emploie. Tout cela nécessite de se remettre derrière son bureau, de déconnecter ses écrans, et avec une simple feuille et un stylo d’affûter sa plume, tout en suivant l’enseignement de Nicolas Boileau.

“Avant donc d’écrire apprenez à penser.

Selon que notre idée est plus ou moins obscure,

L’expression la suit, ou moins nette, ou plus pure.

Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement,

Et les mots pour le dire arrivent aisément.

Surtout qu’en vos écrits la langue révérée

Dans vos plus grands excès soit toujours sacrée.”

Faîtes l’impasse sur les alexandrins mais n’ayez point de paresse à écrire et réécrire. Car c’est ainsi que votre parole, dénuée de tout excès, de sentimentalisme et de sensationnalisme, trouvera une forme claire, simple et naturelle, donc plus conforme à la raison.

Notre époque a besoin de rendre sa place légitime à la raison. L’émotion, elle, doit simplement se mettre au service de la raison.

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