“Entre ici, Jean Moulin”, l’oraison d’exception
Il y a 60 ans, jour pour jour, André Malraux, alors ministre des Affaires culturelles, prononçait son discours d’hommage à Jean Moulin lors du transfert de ses cendres au Panthéon.
L’idée du transfert lui était venue un an plus tôt. Il la proposa au général de Gaulle qui accepta.
Ce 19 décembre 1964, dans un froid glacial, sur l’esplanade du Panthéon et devant toutes les autorités de la Ve République réunies dont son Président, André Malraux signe un grand moment d’émotion populaire et réussit à créer une nouvelle cohésion nationale autour de la figure du père de la Résistance, alors que le pays reste déchiré par une crise politique majeure provoquée par les événements de la guerre d’Algérie.
Pendant 21 minutes, le temps se fige à Paris au cours de cette oraison.
« Entre ici, Jean Moulin, avec ton terrible cortège. »
Tous les éléments sont réunis pour rendre ce discours éloquent au possible.
André Malraux réussit en effet à rendre vivant à nouveau Jean Moulin en le tutoyant comme on s’adresserait à un frère. Il fait ressusciter aussi à travers lui tous les héros de la Résistance et les victimes de la barbarie. Ils sont avec nous. Leur bravoure et leurs souffrances nous obligent.
Quand s’élève ensuite le chant des Partisans de Kessel et Druon, l’émotion est à sa comble. Nous sommes presque tétanisés par le souvenir et entraînés par un désir inébranlable de fraternité.
André Malraux fait enfin de Jean Moulin un modèle pour les jeunes générations et exhorte la jeunesse de France à mesurer le prix de la liberté.
« Aujourd’hui, jeunesse, puisses-tu penser à cet homme comme tu aurais approché tes mains de sa pauvre face informe du dernier jour, de ses lèvres qui n’avaient pas parlé ; ce jour-là, elle était le visage de la France. »
Rien à ajouter.
Un modèle de discours à enseigner.
Photo Jean-Claude Mallinjod/ Ina