Écrire avec de Gaulle (épisode n°8 de la série Politique & Littérature)

Le dernier grand romancier de la France ?

Quoi de mieux pour clôturer cette année avec un épisode n°8 de la série Politique & Littérature consacré au Général de Gaulle.

Il n'y a en effet guère d'hommes politiques qui ont plus que lui drapé la France dans sa légende, fournissant à son peuple les mots à entendre pour retrouver de la fierté et du courage. Une espèce malheureusement en voie de disparition depuis plusieurs décennies.

Sans doute l'exemple le plus probant que ce sont par les lettres que l'on peut infléchir le sort de sa patrie.

La citation à retenir :

Ce qui menace la France aujourd’hui, tout comme au temps de Jeanne d’Arc, ce n’est pas seulement le danger résultant de l’invasion et de la conquête ennemie, mais aussi, et presque surtout, la dislocation nationale, cette sorte de rupture de l’unité et de la cohésion françaises devant la faillite ou la trahison de ceux qu’elle tenait pour ses chefs, cette sorte d’effondrement de la confiance de la nation en elle-même.

Charles de Gaulle, discours du 10 mai 1942 à l’occasion de la fête de Jeanne d’Arc.

Le style du Général de Gaulle :

Charles de Gaulle est sans doute le dernier grand romancier de la France.

Il s’inscrit dans la droite ligne des Richelieu, Napoléon et Clemenceau qui réunissaient à la fois les vertus de l’action et de la pensée, le prestige du commandement et la puissance du verbe.

Le Général fait ainsi incontestablement partie de nos grands hommes d’Etat, qui se comptent sur les doigts de la main, et dont on peut dire qu’ils rivalisent avec les écrivains de métier en faisant l’histoire tout en l’écrivant.

Surtout, le Général, c’est un style au XXe siècle qui fait référence à un genre littéraire ancien : l’épopée.

Imprégné au plus haut point par Chateaubriand, il fait sienne cette maxime: “mener les Français par les songes”. Cette stratégie lui permettra d’embarquer les cœurs et les âmes, de mettre de la passion dans l’engagement des Français à ses côtés, au risque parfois de prendre quelques libertés avec la vérité historique.

À ce titre, on peut le comparer à Winston Churchill qui usa de la même rhétorique. D’ailleurs, de Gaulle a écrit à propos du chancelier britannique qu’il fut “le grand artiste d’une grande histoire”. L’éloge pourrait se renverser en sa faveur également, tant il aura chanté “à la France la romance de sa grandeur.

Nous avons ainsi incontestablement affaire à un homme dont les grandes heures se confondent avec le pouvoir des mots.

Il fut écrivain de vocation, et ce dès l’adolescence. Dans son arbre généalogique, nous retrouvons plus d’hommes de plume que d’hommes d’épée. Son royaume est très vite celui des livres. Autant dire qu’il a la littérature dans le sang.

Le Général accorde aussi plus de crédit aux écrivains et aux penseurs dans sa hiérarchie des grands hommes de la France.

L’écriture est pour lui non seulement une passion mais aussi le moyen de passer à l’action. “Tant que je n’écris pas, je ne pense pas vraiment.”, disait-il.

Et à Albert Camus qui lui demandait en quoi un écrivain pouvait être utile à son pays, le Général répondit : “Tout homme qui écrit (un silence) et qui écrit bien, sert la France.

A quoi reconnaît-on sa prose? Elle est façonnée à son image : majestueuse, ample, solennelle, empathique parfois, marquée par la syntaxe latine, nourrie des classiques gréco-romains et des auteurs du Grand Siècle mais aussi des pionniers du romantisme et imprégnée des accents de Barrès et surtout, des cadences de Péguy, pour lequel il voue une admiration sans bornes.

Sa marque de fabrique: le rythme ternaire, peut-être en raison d’une prédilection pour les trois Grâces, les trois vertus théologales, les trois fonctions indo-européennes, les trois unités de la tragédie classique, les trois coups au théâtre peut-être aussi ?

Certains diront que son style était empesé, que sa syntaxe était démodée. Il n’en demeure pas moins que certains l’incitèrent à faire acte de candidature pour entrer à l’Académie française.

___________

La série "Politique & Littérature" raconte chaque semaine comment certains des grands personnages de notre Histoire ont été également des hommes de plume. Elle trouve sa source principale dans la lecture de l'ouvrage "Le sceptre et la plume" de Bruno de Cessole.

Précédent
Précédent

Écrire avec Pompidou (épisode n°9 de la série Politique & Littérature)

Suivant
Suivant

“Entre ici, Jean Moulin”, l’oraison d’exception