De l’épée à la plume: écrire et combattre

Quand les lettres, les excuses, les arguments ne suffisaient plus, venait le temps du duel, épée ou arme à feu à la main, pour régler ses différents.

La IIIe République avait par exemple donné son lot de duels quand les joutes parlementaires n’avaient pas permis de clore un débat.

Nos grands orateurs, habiles à la plume, se tournaient alors vers l’épée pour défendre leur honneur.

Le dernier duel a eu lieu en 1967 en France. Il s’est joué entre deux députés, le bien connu Gaston Defferre et le gaulliste René Ribière. A l’origine, un « Taisez-vous, abruti ! », lancé par l’ancien maire de Marseille dans l’hémicycle du Palais-Bourbon.

Depuis, c’est bien uniquement sur le papier que l’on porte l’estocade.

Mais l’art du duel, qui empreinte tant à ce fameux panache français rendu célèbre par Cyrano, D’Artagnan ou encore Lagardère, est-il en train de s’éteindre ?

Dans une société où tous les sujets deviennent sensibles, où le « pas de vague » est érigé en règle absolue, où le devoir de nuance s’impose à nous constamment, pratiquer le combat ou le duel grâce aux mots que nous employons, n’est même plus chose aisée.

Notre écriture, de plus en plus aseptisée, n’aurait ainsi plus de quoi faire mouche ?

Quelle triste perspective !

Il y a pourtant tant de raisons à réapprendre à combattre avec nos plumes. Tant d’enjeux, de sujets de société, de causes qui méritent qu’on s’engage sabre au clair.

N’ayons donc pas peur de « porter la plume dans la plaie » pour reprendre la célèbre formule d’Albert Londres, de confronter nos écrits au réel, même si cela doit parfois faire mal, même si cela doit blesser, et « dire ce que l’on voit » et « voir ce que l’on voit » comme Péguy nous l’enseignait. Une écriture qui combat se doit d’être lucide sur les maux de notre époque.

Soyons le Zola de « J’accuse », le Saint-Ex de « la Lettre à un Otage », le Hélie Denoix de Saint Marc de la « lettre à un jeune de 20 ans », ou le Camus de La Peste ou des Justes !

Redevenons des plumes de combat !

Qu’en décident les mots !

Ils sont rares aujourd’hui ces combattants lettrés. Il en est tout de même un qu’il convient de citer ici, Salman Rushdie, qui avec ses Versets Sataniques, avait prouvé ô combien l’écriture pouvait être une arme efficace contre l’obscurantisme religieux.

Gardons ainsi à l’esprit ce qu’il disait à Francfort quand lui était remis le Prix de la Paix en 2023 : « Nous devons continuer à faire, avec une vigueur renouvelée, ce qui a toujours été nécessaire : répondre aux propos malveillants par de meilleurs propos, opposer aux récits mensongers de meilleurs récits, répondre à la haine par l’amour, et croire que la liberté peut toujours triompher, même à l’âge du mensonge. »

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