Écrire avec Richelieu (épisode 2 de la série Politique & Littérature)
Selon Bruno de Cessole, auteur du "Sceptre et la Plume", Armand de Richelieu est avec Charles de Gaulle sans doute l'homme d'Etat français le plus "instrumentalisé" par les historiens et les politiciens. Il a été en effet la cible de lourdes critiques avant d'être réhabilité comme un grand personnage de notre histoire au début du XXe siècle.
Son style n'a peut-être rien de flamboyant mais il a réussi à faire de l'écriture une arme de combat, grâce à des formules qui faisaient mouche à chaque coup.
Sans oublier qu'il est à l'origine de la création de l'Académie française qui veille sur l'état de notre langue et sur le rayonnement des Lettres, et de l'Imprimerie royale.
On peut raisonnablement dire que Richelieu, sans être un auteur mémorable, fut un grand politique au service des Lettres, et qu'il a su s'en servir à merveille pour renforcer la gloire du royaume de France.
La citation à retenir :
« Il n’y a rien de plus dangereux pour l’Etat que ceux qui veulent gouverner les Royaumes par les maximes qu’ils tirent de leurs livres; ils les ruinent souvent tout à fait par ce moyen, parce que le passé ne se rapporte pas au présent et que la constitution des temps, des lieux et des personnes est différente. »
Richelieu, dans son Testament politique où il définit les vertus idéales d’un bon ministre. Ici, il juge que les leçons de l’expérience valent mieux que le savoir livresque.
Le style de Richelieu :
Depuis sa jeunesse, il n’a cessé de rédiger. Il écrivait ou faisait écrire à une armée de plumes la plupart de ses correspondances. Nous lui devons surtout un Testament politique que nous pouvons considérer comme le texte fondateur de l’exercice des mémoires d’Etat auquel se frottèrent ensuite presque tous les dirigeants de la France.
Le Cardinal devint en quelque sorte écrivain, non pas parce que les Lettres représentèrent un divertissement mais parce qu’elles sont à ses yeux “un instrument de pouvoir et un prélude à l’action.”
Même le théâtre, dont il était épris de passion, était pour lui une tribune politique.
C’est ce qui le pousse sans nul doute à user d’un style vif. Même Michelet qui avait étrillé ses Mémoires, concédait : “Sa plume est une épée, courte et vive, à bien ferrailler.”
Le Cardinal avait compris que l’écriture pouvait être une arme capable de “faire rayonner la gloire de la France, du roi et de son premier serviteur à travers l’Europe, et établir sa renommée par-delà les siècles.”
Écrire, c’était l’occasion d’imprimer sa marque pour la postérité et ainsi répondre par anticipation aux critiques qui allaient pleuvoir sur son héritage.
Bref, il allait “écrire l’Histoire après l’avoir faite”.
Sa production est toutefois inégale, avec une langue parfois “verbieuse et diffuse.”
Mais, dans ses propos, s’y nichent toujours de la fulgurance et des “formules altières et profondes” qui reflètent son caractère impérieux.