“C’est bien une parole, un récit qui sauve le monde”
"C'est bien une parole, un récit qui sauve le monde".
C'est ce qu'on peut lire dans le dernier ouvrage d'Haïm Korsia, le grand rabbin de France, Comme l'espérance est violente.
Pour étayer son propos, il écrit : "Noé se sauve et sauve l'humanité avec l'Arche, la 𝑇𝑒́𝑣𝑎, en hébreu. Or, ce mot veut aussi dire... "un mot". Comme si c'était en racontant l'histoire avec des mots justes que Noé pouvait sauver le monde, en écho à la vision de Camus qui savait l'importance des mots justes. Et puis, de manière stupéfiante, les dimensions de l'Arche, soit 30, 300 et 50 coudées, représentent par leurs valeurs numériques trois lettres, le 𝐿𝑎𝑚𝑒𝑑, le 𝐶ℎ𝑖𝑛𝑒 et le 𝑁𝑜𝑢𝑛, qui forment le mot 𝐿𝑎𝑐ℎ𝑜𝑛... "la langue"."
Si Charles Péguy nous invitait à la lucidité, "il faut toujours dire ce que l'on voit; surtout, ce qui est plus difficile, voir ce que l'on voit.", il s'agit là de mettre un autre sens en éveil, celui de la parole et avec celle-ci, notre capacité à trouver les mots justes pour construire un récit qui réconcilie, seule voie possible pour une nouvelle espérance, source de confiance, si l'on s'en tient encore à une définition chrétienne.
En somme, si nous voulons guérir les blessures de notre société, commençons par employer le bon vocabulaire, les bons mots, justes et sages, ceux qui ne brutalisent pas mais ceux qui adoucissent.
Terminons en empruntant un concept à la littérature juive, le 𝑇𝑖𝑘𝑜𝑢𝑛 𝑂𝑙𝑎𝑚, qui signifie la réparation du monde. En voilà un beau dessein car réparer, ce n'est pas révolutionner, ce n'est pas renverser la table, bref, ce n'est pas violent. C'est au contraire une action minutieuse et les mots peuvent être, à mon avis, les outils de cette réparation.
Loin de moi l'idée qu'ensemble, grâce à l'écriture, nous allons "réparer le monde", mais je reste convaincu que nous pouvons, au moins, contribuer à ce que notre société ne se blesse davantage, à travers des discours et des paroles apaisées.